La question de la femme «amazighe» ou kabyle a toujours constitué le flanc mou de «l'élite» berbériste.
Les quelques «études» ethnographiques coloniales ont été relayées par quelques autres études universitaires plus récentes. Ces dernières ont pour la plupart un point commun: elles restent marquées par le sceau ethnographique (Tassadit Yacine). D'autres ont opté pour d'autres approches, notamment l'approche psychanalytique, plus ou moins heureuses, car, encore là, elles restent prisonnières de la même tradition ethnographique, d'où un recours (socialement et scientifiquement) injustifié, voire abusif, à la seule étude des rituels de magie,avec quelques recours à Bourdieu. Mais ces études restent très en retard par rapport aux études féministes modernes dont même les islamistes se sont emparées!
Cherchez une étude scientifique sérieuse et actuelle sur la femme kabyle, vous n'en trouverez pas! Ou alors, faites-moi signe, j'ai faim sur le sujet!
Heureuse concidence, voilà que l'université de Tizi s'empare du sujet et organise un colloque scientifique: Les passeurs culturels au féminin : L’exemple de Fadhma et Taous Amrouche.
À mon avis, le titre déjà laisse planer quelque ambiguité, le concept de passeur culturel étant assez vaste. Si je me tiens à la définition de Zakhartchouk, comment peut-on parler de passeur culturel, en faisant fi d'un véhicule institutionnel majeur, l'école pour ne pas le nommer? Or, il n'existe tout simplement pas d'école kabyle, ou amazighe si on veut!
À moins que, par passeur culturel, on fait référence à la traditionnelle lithanie «la femme, gardienne des traditions». Auquel cas, un simple sondage en Kabylie confirmera la grande mutation sociologique qui s'est emparée de la Kabylie, mutation justement induite par le changement de la condition de la femme kabyle et l'éclatement de la cellule traditionnelle.
En restant juste au niveau de la culture au sens patrimonial, je ne comprends pas comment peut-on généraliser à partir des cas si singuliers de Fadhma et Taos, surtout de Taos?
De plus, les thématiques du colloque, notamment la 1re, sont simplement un affront à la démarche scientifique qui devrait guider ce genre d'évènement scientifique.
En effet, comment peut-on «Poser les jalons des rapports de genres dans le monde amazigh»?
Une démarche scientifique en sciences sociales, que je sache, explique, essaye de rendre intelligible une réalité; agir sur la réalité est du ressort du politique par exemple...
Autre petit détail. On donne une liste de membres du comité scientifique sans aucune précision sur leur champ de recherche, élément de crédibilité majeur!
Ceci dit, attendons de voir les actes du colloque pour se faire une idée plus précise.
Pour peu qu'ils soient publiés...
Nora L.
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Appel à contribution pour un Colloque international - les passeurs culturels au féminin
mar, 11/20/2007 - 11:10 — Djamel BEGGAZ
Le Département de Langue et Culture Amazighes de l’Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou, en collaboration avec L’EHESS de Paris, organise un colloque international intitulé : « Les passeurs culturels au féminin : L’exemple de Fadhma et Taous Amrouche. »
ARGUMENTAIRE
Il n’est ni superflu ni exagéré d’affirmer que la culture orale en général et amazighe en particulier n’a été sauvegardée pas ses femmes. Vecteurs de transmission culturelle depuis plusieurs millénaires, elles ont ainsi pendant longtemps assuré les fonctions de médiatrices culturelles comme la vivacité de certaines pratiques en témoigne dans certaines aires géographiques du Sud (en particulier le Hoggar ou le M’Zab).
Mais ces fonctions ont été largement assumées au Nord de l’Afrique, même si la pénétration coloniale (avec les effets sur l’économie) et l’introduction de l’école dans le monde traditionnel n’ont pas été sans influence sur la culture et sa représentation, aussi bien par les femmes que par les hommes.
Bien que productrices reconnues, elles sont toujours placées en arrière-plan de la scène lorsqu’il s’agit de leur visibilité dans l’espace public. Cette omission puise ses racines dans le lointain passé méditerranéen, marqué par une tradition patriarcale enracinée dans l’histoire mais accentuée par l’avènement des religions du livre qui, selon leur degré de pénétration, renforcèrent en la légitimant la domination masculine.
Certes présente, cette division du travail entre les sexes n’a pas épuisé pour autant la création féminine. Mieux encore : Elle a déterminé un façon de vivre et de penser doublement spécifique au monde féminin et au monde de la culture minorée. Sans remonter au passé le plus lointain, il nous paraît important de revenir sur les trajectoires « intellectuelles » des femmes pour comprendre leur intégration dans le monde de la culture et /ou des lettres.
Le parcours emblématique de Fadhma et Taous devrait nous permettre de mieux appréhender celui de nombreuses productrices lettrées ou non, appartenant au passé ou au monde contemporain. Cette rencontre devra permettre de :
1. Poser les jalons des rapports de genres dans le monde amazigh.
2. Comprendre les liens entre féminité et création (le rapport à la double culture).
3. Appréhender les changements culturels à l’aune de la sexualité.